Idéologies, attention danger...
Dieu est mort! Le ciel est vide
Pleurez enfants, vous n’avez plus de père.
Gérard de nerval
Parler de manque de repères dans nos sociétés où la religion ne fait plus autorité comme autrefois, est devenu banal. Dans nos vies qui deviennent liquides à force d’être entrainées du côté de la mobilité, de la rapidité et de la fluidité, et donc de l’horizontalité, quel ancrage permet de se hisser et de (re)trouver un peu de verticalité? En thérapie on parle souvent de besoins, moins de valeurs. Si les valeurs religieuses ont fait leur temps ou invitent aujourd’hui à la méfiance, cela ne signifie pas qu’avoir des valeurs soit devenu obsolète. Le ciel est peut être vide, mais il est toujours là (JP Lebrun). Et son lieu ne demande qu’à être investi. Certains s’en chargent à notre place.
Une valeur peut nous guider, comme une étoile guidait les marins autrefois. Et d’autant plus quand la mer est démontée, que nos environnements nous chahutent. Mais il me semble, et c’est l’objet de ce petit texte, que la valeur n’est pas une fin en soi. Encore faut il accepter qu’elle a sa limite. Nos valeurs doivent se contrebalancer pour ne pas glisser dans la rigidité. Le quadrant d’Ofman peut être un bon point d’appui. Elles sont comme un idéal qui donne une direction, pas une destination. La destination finale, nous l’atteindrons bien assez tôt. Ce qui me guide beaucoup dans mon activité de psychothérapeute, c’est la notion de professionnalisme, autrement dit, ce que je fais a-t-il une visée thérapeutique? Mais même si l’idée que je me fais du professionnalisme est un repère surtout lorsque les décisions que j’ai à prendre s’avèrent difficiles, je suis parfois déçu par sa mise en oeuvre dans mes comportements, et donc insatisfait. Et je dois l’accepter et c’est heureux. Imparfait, car vivant, c’est le prix à payer pour continuer à désirer, à ne pas abuser de mon pouvoir et à vivre avec les autres.
Aujourd’hui il me semble que c’est l’idéologie qui nous menace. A l’intérieur de nous et à l’extérieur. Dans nos cabinets elle prend la forme de pensées clivées en tout ou rien, blanc ou noir, et elle veut effacer toute imperfection, toute contradiction interne, toute confrontation. Racines de l’idéologie. Elle est pour nous, thérapeutes, une information importante sur le degré de maturité de la pensée des gens que nous accompagnons…et la nôtre. Dans la société, elle commence insidieusement dans les magazines ou l’on nous demande de répondre par «oui ou non» à une question complexe. Et le «peut-être», le «oui, mais», ou le «non, mais», … où sont ils passés? Où sont passées la nuance et la contextualisation? C’est le règne de la confusion.
Dans nos sociétés, l’idéologie dit que son étoile est la meilleure, la plus pure, la plus vraie et la plus belle et que nous sommes tous priés de l’atteindre. Elle dit qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’oeufs, l’homme devient un moyen au service de sa fin/faim. Elle croit que son soleil ne fait pas d’ombres : capitalisme hyper-compétitif et destructeur de la planète contre anti-capitalisme hyper-égalitariste destructeur des individualités, féminisme triste et radical contre masculinisme viriliste et fatal, islamisme de terreur contre homo festivus (P. Murray), Greta contre Donald, Jean-Luc contre Marine, etc. Il nous est souvent demandé de choisir un camp sous peine de trahison et de collusion avec l’ennemi. C’est tentant, en effet, car nous avons tous besoin d’appartenir à des groupes, mais c’est funeste. Car le jour où nous aurons atteint leur étoile, c’est que nous serons devenus poussières d’étoile.
LEBRUN Jean Pierre : Les couleurs de l’inceste, se déprendre du maternel. Denoël, 2013
MURRAY Philippe: son concept d’Homo Festivus qui est un homme pour lequel la vie est un festival permanent dans le présent, oublieux de son histoire/Histoire et se laissant porter par le flot de la fête.
Le quadrant d’Ofman (sur internet ou voir les deux publications que j’ai publiées sur ce site)