Le quadrant d’Ofman (II) : intérêts et défis

Dans cet article, je tente de montrer l'aspect sytémique de ce quadrant ou comment chaque partie influence l'autre et est influencée. Certaines de mes réflexions sont inspirées de F. Balta, psychiatre, formateur en approche systémique coopérative dont je recommande chaleureusement les ouvrages, notamment celui dont la citation est tirée : La complexité à la portée de tous : une nécessité citoyenne; (éd. Eres)

Comme l’arbre cache la forêt, le piège cache la ressource/qualité.

Il est facile de repérer le piège chez les autres, ce qui nous irrite, nous fatigue voire nous exaspère. Il est tout aussi facile d’oublier que ce piège cache une ressource véritable de la personne si l’on se donne la peine d’y réfléchir. Autrement dit, je vois le piège, qu’en est-il de la qualité qui n’est finalement pas si loin?

Une femme rigide (piège) est aussi une femme qui dans ses bons moments peut offrir de la structure, ou de la solidité (qualité)

Un homme envahissant (piège) est peut-être un homme qui a à coeur de s’occuper des autres, et fait preuve d’empathie (qualité)

Trouver la qualité derrière le défaut est essentiel pour requalifier quelqu’un lorsqu’il se disqualifie ou est disqualifié. C’est souvent plus facile à dire qu’à faire car l’impact émotionnel que le piège a sur les autres (exaspération, peur, rejet …) peut les dissuader de prendre le temps d’aller chercher la pépite qui se cache.

C’est notre responsabilité de psychothérapeute, de coach ou de conseiller, de prendre le temps de faire ce travail de recherche de la valeur. Le risque, sinon, c’est que le piège du patient/client vienne activer nos propres mécanismes de défense, et nous rendent ainsi impuissants à aider. Cela peut renforcer dans le même temps les mécanismes de défense de la personne qui vient justement pour les assouplir voire les lâcher. La bonne nouvelle, c’est qu’une fois que l’habitude est prise on va plus vite dans l’identification de la ressource.

Le défi : pourquoi c’en est vraiment un!

Lorsque j’utilise ce concept en thérapie, je m’aperçois que la difficulté majeure à relever le défi c’est qu’il est confondu avec l’allergie.

Reprenons notre exemple

Si je suis franc, ceux qui sont diplomates ne sont que des hypocrites!

La pensée se clive. Autrement dit on est soit franc, soit hypocrite. Une pensée manichéenne, confortable à court terme certes, mais stérile et enfermante à moyen terme. Le défi est-il contre nature? D’un certain point de vue il va à l’encontre d’une pente naturelle. C’est peut être parce que dans mon histoire, j’ai trop souffert de l’hypocrisie de certain(s) que je suis devenu aussi franc, ou au contraire que j’imite ce(ux) que j’ai vu(s) faire autour de moi en terme de franchise: je préfère être qualifié de conflictuel plutôt que taxé d’hypocrite. Nous nous enfermons alors dans une logique binaire, franc OU hypocrite.

Le rééquilibrage est dans le fait de composer avec les deux éléments : la qualité ET le défi. D’où la suggestion d’être à la fois diplomate et franc. Cela ne signifie pas que ce soit aisé, rapide et miraculeux. Cela donne une direction de travail, un espoir. Cela peut rassurer de savoir pourquoi c’est si difficile d’aller vers le défi : je le confonds avec un trait de caractère qui m’est insupportable (l’allergie).

Pourquoi l’allergie est la contrainte principale du quadrant.

Ce qui est pratique avec le quadrant d’ofman, c’est qu’on peut entrer par n’importe quelle porte. L’allergie est le quadrant qui d’une certaine façon verrouille l’ensemble en empêchant la circulation de l’énergie.

Ce que je ne supporte pas chez l’autre, mon allergie donc, m’en dit beaucoup sur la direction que j’aurais à prendre pour rééquilibrer (un peu) mon système. Sauf que je me focalise sur ce que je ne supporte pas chez l’autre, sans voir le défi qu’il me propose par son comportement même.

Et on ne plaisante pas avec certaines allergies physiques ou physiologiques qui peuvent être mortelles. Ici la confusion est mentale, l’allergie est psychologique : elle est tout aussi redoutable car elle nous ramène peut être à des épisodes anciens douloureux ou a notre éducation jamais remise en question et à laquelle nous pensons devoir être loyal.

Je ne supporte pas les gens égoïstes! Sauf que cette personne qui a ce comportement est aussi quelqu’un qui pense à lui. Peut-être est-ce justement ce que je n’arrive pas à faire, moi qui ait toujours le souci des autres. Agir avec le souci de soi n’est peut être pas si facile pour moi. Cela m’éviterait pourtant de tomber dans…l’oubli de moi et de mes besoins. (mon piège). Il ne s’agit pas de devenir égoïste, mais de penser aussi à soi de temps en temps.

La clé est donc de toujours garder notre ressource/qualité ET d’y adjoindre le défi. En d’autres termes, le défi sans la qualité c’est la certitude d’aller vers l’allergie et donc de renoncer ou résister très vite au changement.

Pour conclure

Le quadrant d’Ofman met donc en lumière les forces antagonistes qui agissent à l’intérieur de nous en tant que système complexe pour que celui-ci puisse continuer à se maintenir. Pour reprendre les mots de François Balta «chaque logique porte en elle même sa propre négation si rien ne vient l’arrêter». En effet, une valeur vécue de façon trop rigide ou idéaliste risque de produire les effets inverses de celui qui est recherché. Un justicier finit souvent par commettre des injustices…Le quadrant d’Ofman illustre justement cette idée. Qualité et piège sont les deux faces de la même pièce. La où il y a de la lumière, il y a de l’ombre. Inséparables. La lumière peut devenir aveuglante au lieu d’éclairer. Un deuxième éclairage deviendra alors nécessaire.